Morceaux choisis de la séquence
confession
Avertissement
préalable: toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé
ne serait que pure coïncidence. Seuls le langage et la grammaire sont authentiques.
s’intéresse à elle. Parce que pour moi la fidélité, c’est même plus important que… que… que mon smartphone, par exemple, c’est pas rien quoi ! Alors faut qu’il arrête de raconter des salades et que si Samantha elle lui plaît, et ben qu’il le dise quoi. Parce que moi je suis pas jalouse, c’est pas beau la jalousie, mais quand je vois ça je lui arracherais les yeux quoi !
Samy – 18h18 - : il faut
qu’elle comprenne que dans la vie y’a l’amitié et puis l’amour. Elle mélange
tout. Même si tu couches avec une fille ça t’empêches pas d’être son ami et si
tu couches pas ça t’empêches pas de l’aimer. C’est plus rare mais y’a des mecs
qui y arrivent. Les nanas c’est super mais c’est surtout super compliqué.
Clara - 18h24 - Même si je
lis pas dans son dos, on voit bien de loin qu’il pense à elle. Alors voilà, je
pense que trop c’est trop, parce que je pense qu’il a été trop loin. Voilà!
C’est trop dur quoi. Parce que nous les filles on a not’ sensibilité et qui
faut pas jouer avec, quoi ! C’est vachement important.
Samy – 18h27 – C’est trop nul
cette histoire ? J’arrive pas y croire. Tu crois passer une soirée super
géniale et puis t’as une fille qui déboule la mine en rideau, qui te ruine
l’ambiance parce qu’elle croit que tu dragues sa copine. D’ailleurs je vois pas
où est la mal. Elle était même plus avec son ex depuis longtemps, depuis au
moins hier, tu te rends compte. Y’en a qui aime faire des histoires pour rien.
…
BC l’animateur – Vous l’aurez
compris le torchon brûle entre Clara et Samy. Les choses vont-elles s’arranger,
vous le saurez demain. Le suspens reste entier. Pour l’heure il est grand temps
de passer à l’annonce des nominations. Et oui ! Le moment tant redouté est
arrivé. On retourne dans la maison.
….
Ici la voix – L’heure est venue
pour l’équipe des « vautrés » de procéder aux nominations. Ce soir
c’est l’équipe des « avachis » qui est sur la sellette. Clara qui
nomines-tu en premier ?
Clara : Et bien moi je
nomine Samy, parce que j’ai rien cont’ lui, mais je pense qu’il a été assez
lamentable quand il a raconté à Elodie que si Samantha était avec Mario, c’est
parce que Lydia avait dit à Samy qu’il n’en pouvait plus de voir Samantha faire
la mijaurée devant Mario. C’est trop grave. Moi c’est quelque chose que je
supporte pas. Quand on est avec une fille, on dit pas qu’on est avec une autre,
parce que ça laisse penser que t’es pas sincère grave quoi, alors que c’est pas
vrai parce que t’as des vrais sentiments quoi ! Et moi j’ai des principes.
Je supporte pas. Voilà !
La voix – les choses sont claires
désormais. Samy qui as-tu décidé de nominer ce soir ?
Samy – Et bien moi j’ai décidé de
nominer Clara. Je pense qu’elle pourrait faire un effort pour être un peu plus
mieux avec les autres. Elle se prend pour une donneuse de leçons. Et moi je dis
que c’est pas parce que tu vas avec une autre fille que t’es infidèle à ta
copine. Moi je dis que dans la vie faut pas être égoïste. Si tu peux faire
plaisir aux autres faut pas se gêner. C’est ça la vie en société. Et puis aussi
elle s’habille trop mal et pour moi ça c’est trop mortel pour une nana qui veut
plaire à son mec.
La voix – Voilà, c’est dit. C’est
tout, pour le moment.
Pour sauver… etc … etc…tapez 1…
tapez 2….
Au secours
Messieurs les présidents des
chaînes commerciales, au secours ! Pitié pour les générations futures.
Vous mettez en œuvre un véritable « jeunocide ». Vous sacrifiez des cerveaux aux neurones encore mal
connectés sur l’autel de l’audimat. Ils vont vieillir en pensant que la
finalité de la vie c'est de se caresser les fesses. Ils n'imagineront plus
qu'on puisse avoir une vie intérieure plus riche que toutes les fortunes qui
s’exhibent sur vos écrans. Vous les engagez sur le chemin d'une relation humaine
réduite autour de la préoccupation de la marque de leurs sous-vêtements ou de
leur smartphone. Ils n'imaginent pas qu'au lendemain de ces journées alanguies,
épiées en continu par cent caméras, ils devront se mettre à chercher du boulot.
Tout le monde dans l’entonnoir
On garde quand même à l’esprit la
finalité de ce genre de programmes. Ces sont des entonnoirs destinés à
canaliser des esprits au discernement sommaire vers des spots publicitaires.
Ils leur feront croire que la vie est belle et les conforteront dans l’idée que
le bonheur c’est le pouvoir d’achat.
Les publicités sont ciblées,
c’est le b-a ba du métier. Les spécialistes savent adapter le message à
l’audimat pour les émissions intellectuelles de cet acabit. On y collera le nouveau
smartphone à 1€ et son forfait illimité,
qui a ses limites qu’on ne dit pas, et qui permettra de voter pour Clara ou
Samy, le CD débridé qui fera gonfler les portières de la Twingo avec ses basses
d’enfer, le préservatif retardateur d’extase qui boostera les ébats dans les
HLM.
Alors les spécimens de l’audience ciblée ont les
yeux obnubilés entre l’écran plat de 50 pouces, où les guiboles s’entrecroisent
entre deux pages de pub, et celui de 5 pouces où les pouces tricotent des
textos à cent à l’heure dans une langue vernaculaire. Tout en ayant une main
dans le paquet de chips et l’autre sur la bouteille de coca, il faut quand même saluer la prouesse. Les
scores de Clara et de Samy explosent. La facture des vieux par la même occasion,
car le forfait illimité a ses limites justement.
Les parents, quant à eux, auront
droit eux-aussi à leur moment d’audience, quand les lardons ramollis auront rendu la télécommande. On leur collera
la mine réjouie d’un couple de jeunes-vieux qui vient de signer sa convention
obsèques. C’est bien connu, c’est le bonheur intégral.
Du point de vue de …
Alors triste télé-réalité ou télé
triste-réalité ?
Du point de vue de la chaîne, la
question ne se pose pas puisque les recettes sont au rendez-vous. C’est
l’essentiel. Tant pis pour les dégâts collatéraux.
Du point de vue de la cible, les
douze-vingt ans, la question ne se pose pas puisque les vieux sont offusqués,
c’est que c’est bon.
Du point de vue des vieux, la
question ne se pose pas puisque, même offusqués, ils ont baissé les bras. Et
pendant que les jeunes regardent ça, ils ne sont pas dans la rue à fumer des
joints.
Du point de vue de l’animateur,
il a réfléchi à la question. C’est une forme d’érudition qui émancipe les
jeunes et les arme pour l’avenir futur de demain. D’ailleurs il s’est laissé
dire qu’il y avait même des parents qui regardaient l'émission. C’est donc que
cela manquait dans leur vie passée d’hier. Et, en plus, il ne fait pas ça pour
le pognon. Il l’a dit dans le magazine télé. C’est une mission de promotion de
la culture française. Ça saute aux yeux.
Du point de vue des profs, la
question se pose mais il est 16h00, la journée est finie.
Du point de l’infirmière
scolaire, la question n’est pas là. Elle a certes ressenti un certain mal-être
chez les jeunes, mais en aucun cas cela n’a de lien avec ce qu’ils regardent à
la télévision. Elle a noté en revanche qu’ils étaient très vigilants sur la
marque des sous-vêtements de leurs copains.
Du point de vue de l’opérateur
téléphonique, la question ne se pose pas, les appels ne sont pas le forfait.
Ce sont les parents qui paient. Il y a d’ailleurs longtemps qu’ils n’ouvrent plus
les factures. De toute façon ils feront appel à la commission de surendettement
quand ils auront l’huissier à la porte.
Du point de vue du sociologue, la
question se pose réellement. Il faut savoir s’approprier les phénomènes de
société, les interpréter dans des groupes de parole pour s’interroger sur les
vrais questions qui interpellent les jeunes. Et puis avant qu’une solution en
sorte, un autre cataclysme sociétal aura renouvelé l’actualité.
Du point du médecin de famille,
la question se pose mais c’est du domaine du secret médical. En attendant, je
lui prescris un tranquillisant, de la vitamine C et veillez surtout veillez
bien à ce qu’il ait toujours des préservatifs sur lui. Cela vaut pour elle,
mais adaptez les doses. Et pour la cigarette docteur ? Je suis désolé je
ne sais pas ce que j’ai fait de mon briquet.
Du point de vue de la police, la
question ne se pose plus depuis que les agents en tenue ont des traces de pneus
sur les godasses. Il y a des priorités.
Du point de vue du CSA, la
question s’est posée, on a répondu. On imposera le logo interdit au moins de 10
ans en cas de double pénétration. Il ne faut pas non plus donner dans la
censure.
Du point de vue de l’église, la
question doit être posée. Mais cela relève du secret de la confession. Vient
donc dans mon confessionnal, mon petit, le Bon Dieu t’attend pour ton repentir.
Du point de vue du psychiatre, la
question n’a pas encore été posée. Il a encore les mains attachées dans le dos et
du chatterton sur le museau.
Du point de vue des syndicats, la
question reste en suspens. Ils ont fait jouer leur droit de retrait.
Du point de vue des associations,
la question doit être mise sur la table. Mais il faudra que le gouvernement
prenne ses responsabilités pour les subventions.
Du point de vue d’EDF, la
question est résolue. Ça les fait travailler tard et dépasser leurs 32 heures,
mais ils récupéreront.
Du point de vue de GDF, la
question de la sécurité est une préoccupation permanente. Ça sent le gaz
certes, mais là c’est à cause des pop-corn que les jeunes s’enfilent quand ils
sont vautrés sur les canapés avec les bigarreaux scotchés sur l’écran plat.
Vous l’aurez constaté, la
question mobilise les énergies. Une commission parlementaire va être désignée.
On cherche un député qui ait payé ses impôts et au casier judiciaire vierge
pour la présider. Ça prendra un peu de temps. En attendant, de l’intérêt il y
en a, mais plus certainement sous forme d’agios sur les comptes des
actionnaires de la chaîne.
Le message
Vous l’aurez compris, je me suis
donc imposé de regarder des programmes de télé-réalité pour pouvoir aborder le
sujet. Comme certains font des apnées du sommeil, je me suis mis en apnée cérébro-spinale pour placer mon intérêt sur la plastique de ces corps qui ne
cachent rien de leurs formes ni de leurs tatouages. Le discours étant
rudimentaire et réduit à la préoccupation de l’assemblage du
Yin et du yang, on
ne perd rien à s’égarer sur les galbes de celles et ceux qui voudront pourtant
être reconnus pour leur qualités intellectuelles et psychiques. Excusez du peu.
Le problème avec ce genre
d’émission n’est pas qu’elles existent. Ce qui est grave est qu’elles aient de
l’audience. Il y a donc des clients pour le dénuement intellectuel. La nature
humaine est ainsi faite. Elle ne tend pas vers la difficulté qui grandit mais
vers la facilité qui amoindrit. Ce n’est pas vraiment une surprise. Ce qui
surprend c’est qu’à chaque nouvelle émission, alors qu’on croyait avoir touché
le fond avec la précédente, on découvre horrifié qu’on peut aller encore plus
bas. Les abysses de la pauvreté spirituelle et intellectuelle se creusent. On
perd espoir de refaire surface.
En cherchant à positiver, on veut
se persuader qu’il y a quelque chose à glaner dans ce genre de programme.
Oublions la culture, ce n’est pas le genre de la maison.
Le suspens ? Certainement
diront les adeptes. Qui « ira » avec qui ? Le temps d’une
passade avant d’atteindre le fond de l’impasse.
De l’humour ? Du
talent ? Que nenni.
Alors quoi ? Du
romantisme ? Pas plus. Toute justification sentimentale à ces ébats sans
équivoque relèverait de la même hypocrisie que la motivation politique des actes
de terrorisme.
Qui peut imaginer qu’il y ait une
once de vérité, de spontanéité de la part des protagonistes. Ils se savent sous
l’œil des caméras jour et nuit, le micro en quête de confidence accroché au
caleçon. Comment ne pas jouer un rôle ?
Imaginer qu’ils arrivent à
oublier les caméras serait plus grave. Il ne s’agirait donc pas de rôles de
composition et là ce serait la « cata ». Ils seraient donc comme ça
dans la vraie vie. Il serait donc possible que nos sélectionnés, bientôt
nominés et donc remisés, soient à ce point dépourvus d’autre idéal que celui de
faire baver les ados avec leurs attitudes lascives et leurs comportements
suggestifs.
Faut-il qu’aujourd’hui que la
relation amoureuse soit vide de passion et d’émotion pour qu’elle doive
désormais donner dans l’exhibitionnisme ?
J’ai cherché une bouée de
sauvetage en me livrant à un zapping sauvage. Comme d’habitude les infos m’ont
donné le bourdon. Il faut dire que cette surdose de mauvaises nouvelles
ressassées en forme de marteau thérapie concoure grandement à la morosité ambiante
de notre société moderne. J’ai donc décidé de donner dans le reportage. Et là
pas de chance, je suis tombé sur « planète
en danger ». J’ai alors enfin compris la raison d’être de la
téléréalité. Elle a été créée pour distraire les téléspectateurs de leur
condition de membres d’une civilisation en danger et leur faire oublier qu’ils en
sont responsables.
Allez à tchao les autruches.
J'admire votre sacrifice et votre abnégation ! Et je partage votre constat...
RépondreSupprimerP. Castellain